mercredi 24 novembre 2010

Ou comment je me suis faite agresser dans la rue

Cet article n'est pas sans relation avec le dernier billet de Sexactu et les commentaires affligeants de certains lecteurs. Mais laissez moi d'abord vous raconter ce qui s'est passé.


J'allais partir pour les Etats-Unis pour 6 mois et j'ai fait, exceptionnellement, quelque chose que je ne fais jamais d'habitude, justement pour éviter les emmerdes (et PAF, j'avais bien raison pour le coup apparemment) : je suis rentrée de Paris par un des derniers RER, chez moi en Seine Saint Denis ,en robe (on était en juin quand même, et il faisait chaud collant comme seul Paris sait le faire), en talons (je les avais achetées dans l'aprem mes plateformes, elles étaient vachement trop belles) et avec un petit coup dans le nez.

Quand je dis un petit coup dans le nez c'est un petit coup dans le nez, genre je souriais, je marchais tout à fait droit, je pensais de façon cohérente et à moins de me faire souffler dans un éthylotest vous n'auriez pas pu le deviner. Je ne suis pas adepte des euphémismes alcooliques, si j'avais été ivre j'aurais dit ivre, ou caissée ou torchée, ou pétée, ou raide à chier. Là j'étais quelque chose que je ne suis jamais : légèrement pompette. (Je ne m'arrête pas à ce stade en temps normal mais je savais que je devais rentrer chez moi et parce que je sais où je vis, je n'avais pas envie d'être saoule.)


Comme j'avais dévalisé les magasins en prévision du soleil californien, j'avais les bras chargés de sacs plastiques (H&M, whatever), et mes plateformes aux pieds (8 cm au moins quand même) parce que j'étais heureuse comme jamais de les avoir trouvées, ma robe n'était pas si courte que ça,( je l'ai mise pour aller en cours toute l'année et on ne m'a jamais demandé où était mon pantalon) et cerise sur le gâteau, ma veste en cuir était fermée pour éviter de montrer un quelconque décolleté.

Ma première constatation en écrivant ça c'est quand même : "Putain, j'avais mis toutes les chances de mon côté pour pas qu'on m'emmerde". Depuis que je vis aux Etats-unis je sors jusqu'à 4h du matin, je rentre tellement torchée que je dois en pousser mon vélo (ou en faire pousser mon vélo parce que c'est devenu trop compliqué entre le 6 et 7e verre et que j'ai continué après ça) et dans des robes sans rien dessous qu'en France même avec un leggings on me demanderait si j'ai pas tapé par inadvertance dans la pile t-shirt ce matin. Et non seulement il ne m'est jamais rien arrivé mais en plus ils me trouvent habillée super classieusement. (Ouais, ils déconnent un peu quand même là-dessus des fois.)


Revenons en à nos moutons. Arrivée à l'angle de ma rue il y avait un mec en train de pisser au pied d'un distributeur automatique. Mode radar, je fais un grand détour, je feins de ne pas le voir (histoire qu'il ne se dise pas que je l'agresse, que j'ai envie de voir son zgeg ou n'importe quoi d'autre.) et je trace ma route.

Sauf que j'ai fait 3 mètres qu'il me saute dessus par derrière, soulève ma jupe (qui est une robe mais le bas est le même) et essaie de foutre ses doigts dans ma chatte. C'est pas joli écrit de cette façon mais c'est la réalité : je ne serais pas une adepte invétérée de la culotte Etam toute jolie mais des strings Jennyfer qu'il aurait réussi et, non, ça n'aurait pas été une main aux fesses.

Perchée sur des plateformes bleues et avec 2 sacs au moins à chaque bras je finis par tomber à genoux en me débattant (après avoir quand même propulsé le record du monde du saut en longueur sans élan) et mec surpris s'enfuis en courant pendant que je lui hurle "Non mais pour qui te tu prends connard ?!"


Après je me relève et je rentre chez moi pétée de trouille parce que j'ai bien conscience qu'en équilibre précaire sur mes pompes je ne suis pas Usain Bolt, pour dire vrai même en baskets j'avais la plus mauvaise note de la classe en course à pieds, qu'il y a encore 300 mètres entre moi et ma maison, personne dans ma rue par contre, et que j'ai quand même 3h de shopping sur les bras.

J'ai été chanceuse, il n'est pas revenu. Il aurait pu et l'effet de surprise ne l'aurait pas fait détaler en courant cette fois. Le bon côté c'est que j'étais totalement dessoûlée par l'adrénaline et que j'ai pu raconter mon histoire en pleurant sur l'épaule de ma maman en rentrant (et pour une fois j'étais bien contente qu'elle prenne toujours la peine de descendre me dire coucou quand je rentre tard, juste pour vérifier que je vais bien).


Je n'ai pas été voir les flics, officiellement parce qu'ils ne pourraient rien faire (ce qui est vrai, des mecs avec un sweat à capuche blanche et un jogging ce n'est pas ce qui manque à Aulnay sous bois et, comme je l'ai dit, j'avais soigneusement évité de le détailler pour qu'il me foute la paix) et que j'avais autre chose à foutre (dire au revoir avant de plier bagages pour 6 mois). Officieusement parce que je n'avais pas très envie d'attendre toute la journée au commissariat pour raconter une histoire cent fois entendue.

Je vais bien, je ne suis pas traumatisée parce que j'ai 21 ans, que j'en ai vus d'autres (des doigts hein, pas des viols mais encore là c'est plus de la chance qu'autre chose) et parce que j'avais fait de King Kong Theory ma bible avant cette agression. Despentes y dit que le viol est un risque inhérent à ma condition actuelle de femme et que je peux m'apitoyer dessus ou que je peux y faire face et le surmonter. Le genre de trucs qui te fout vraiment la rage si tu le lis après t'être faite violer mais qui t'aide à passer par dessus si tu l'as intégré à ton mode de pensée avant.


Je ne suis pas devenue une flipée de la vie depuis parce que j'aime trop sortir pour ne pas prendre les risques qui vont avec, ce qui ne m'empêche pas de baliser sévèrement pour ma petite soeur qui a 16 ans et un coeur en guimauve. Quand je raconte mon histoire les gens n'en croient jamais leurs oreilles comme si j'étais la première fille de leur entourage à être passée à travers ça. Je n'y crois pas une seule seconde, peut-être que je suis juste la seule qui ouvre sa gueule pour en parler.


Notes pour la route : si je ne suis pas traumatisée ce n'est pas que je suis une salope, non je ne l'avais pas bien cherché, non je ne suis pas la seule personne que vous connaissez à qui c'est arrivé et oui il y a toutes les chances que ça m'arrive à nouveau.


Une citation pour la route :


"J'ai fait du stop, j'ai été violée, j'ai refait du stop."

Virgine Despentes, King Kong Theory

1 commentaire:

Inti a dit…

Merci pour ton témoignage.
Pour la toute dernière partie, vivement que les mentalités changent !